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Tujours avec les masses !
Contre les conceptions erronés concernant la lutte de masses
Sur internet tournait depuis quelques semaines un
appel visant à “bloquer les routes” pour protester contre la hausse du
prix du carburant. Cet appel a trouvé un écho important, des centaines
de milliers de personnes s’y intéressant avant le 17 Novembre.
Au premier samedi de la mobilisation, des centaines
de milliers de personnes se sont retrouvées sur les routes, parking et
zones commerciales, dans le but de bloquer, avec un mot d’ordre général
“contre la taxe”. Rapidement, les mots d’ordres, sous les yeux de nos
camarades, sont passés du refus de la hausse de la taxe sur le diesel au
refus de la hausse des prix, à la réclamation de meilleurs salaires et
retraites, etc.
Au deuxième samedi, l’appel à monter à Paris n’a pas
été très suivi et la division entre celles et ceux
restés localement et celles et ceux montés sur Paris s’est ressentie, avec une baisse générale du nombre de blocages, malgré la continuation de nombre d’entre eux.
restés localement et celles et ceux montés sur Paris s’est ressentie, avec une baisse générale du nombre de blocages, malgré la continuation de nombre d’entre eux.
A la Réunion, le pouvoir a directement été confronté
brutalement à la colère des masses qui payent encore plus cher qu’en
métropole l’ensemble des denrées de première nécessité. La situation
sociale de l’île, avec un fort taux de pauvreté et de chômage, a mis le
feu au poudre. Depuis 15 jours, l’Etat applique un traitement militaire à
cette révolte, en déplaçant ses forces de répression vers la Réunion.
La situation est telle que la ministre des “outre-mer” a du s’y
déplacer, le 28 Novembre, pour faire des promesses à des “représentants”
triés sur le volet pendant que la foule la huait.
Là où il y a oppression, il y a résistance, c’est une loi universelle.
Pour nous communistes, la lutte contre la vie chère
est un élément important dans la lutte de classe, un élément d’une
grande importance politique, idéologique et organisationnelle. Pourtant,
de nombreux militants sont gênes par cet appel et par l’écho qu’il peut
avoir, par le fait que le mot d’ordre semble avoir été repris par un
militant fasciste, et que les patrons routiers tentent de faire main
basse sur cette mobilisation. Beaucoup décident que, puisque ce
mouvement a un écho à droite, alors il ne faut pas participer. Il s’agit
d’une méthode métaphysique, une manière d’analyser qui part de
principes immuables, qui ne voit pas tous les aspects des choses. Il ne
faut pas analyser de cette manière pour tirer une conclusion sur la
tactique à adopter.
Deux semaines après la mobilisation, les choses ont
changé. Pourtant, il était tout à fait prévisible que, vu la forme du
mouvement et sa composante de classe, il allait tourner à la fronde
anti-gouvernementale, avec des revendications prolétariennes sur les
salaires et le coût de la vie !
Élément principal et élément secondaire
Dans chaque mouvement, il faut estimer quel est
l’élément principal et l’élément secondaire. Mao Zedong résume la
méthode d’analyse qu’utilisent les communistes dans De la contradiction.
La métaphysique, ou l’évolutionnisme vulgaire, considère toutes les choses dans le monde comme isolées, en état de repos ; elle les considère unilatéralement. Une telle conception du monde fait regarder toutes les choses, tous les phénomènes du monde, leurs formes et leurs catégories comme éternellement isolés les uns des autres, comme éternellement immuables. Si elle reconnaît les changements, c’est seulement comme augmentation ou diminution quantitatives, comme simple déplacement.
Et les causes d’une telle augmentation, d’une telle diminution, d’un tel déplacement, elle ne les fait pas résider dans les choses ou les phénomènes eux-mêmes, mais en dehors d’eux, c’est-à-dire dans l’action de forces extérieures.
Les métaphysiciens estiment que les différentes choses, les différents phénomènes dans le monde ainsi que leur caractère spécifique restent immuables dès le commencement de leur existence, et que leurs modifications ultérieures ne sont que des augmentations ou des diminutions quantitatives. Ils estiment qu’une chose ou un phénomène ne peut que se reproduire indéfiniment et ne peut pas se transformer en quelque chose d’autre, de différent.
Quel est l’élément principal dans le mouvement qui se
déroule ? Dans la période actuelle où les salaires et aides sociales
sont attaquées (soit directement, par les baisses de salaires, soit
indirectement, via les baisses de cotisations sociales, soit encore
indirectement, par la hausse générale des prix), le mot d’ordre “battons
nous contre la vie chère” a un immense écho dans les masses qui voient
augmenter les difficultés à boucler les fins de mois.
La hausse brutale du prix de l’essence, qui est un
élément central du budget des ménages (un ménage rural peut dépenser
plus dans sa ou ses voitures que dans l’alimentation ou le logement !) a
fait l’effet d’une bombe. Ce sont des pertes mensuelles qui peuvent
s’élever à 100€, 200€, ou plus pour un ménage. Pour les plus bas
salaires, ce n’est pas respirable.
En somme, le mot d’ordre lancé sur internet de
bloquer les routes et d’agir a été repris par une masse immense de
personnes, avec pour date le 17 novembre. Voilà où est le principal : le
coût de la vie augmente, les masses cherchent à s’organiser, et ça
demande beaucoup de courage de s’organiser quand on a aucune expérience.
Une grande masse peut faire sa première expérience politique dans la
lutte contre la vie chère.
Il y a dans ce mouvement une multiplicité d’intérêts.
Alors que l’intérêt de classe prolétarien à court terme est la baisse
générale des prix (c’est-à-dire, indirectement, la hausse générale des
salaires), une fraction de la bourgeoisie réactionnaire a intérêt à une
baisse du prix de l’essence. Dans la concurrence inter-entreprise, les
transporteurs cherchent à baisser les profits des monopoles de l’énergie
pour mettre la plus-value dans leur poche. Ces patrons du transport
sont souvent très proches du Front National ou des partis de droite.
Voilà pourquoi de nombreux militants FN ont relayé cet appel.
En somme, la contradiction actuellement secondaire
est celle entre la bourgeoisie qui se bat pour ses intérêts particuliers
et d’autres fractions de la bourgeoisie. Elle cherche à emporter avec
elle une grande partie des masses pour soutenir ses négociations,
s’appuyant pour ça sur un intérêt soi-disant commun, la baisse d’un prix
en particulier, celui de l’essence. Or, la baisse unique du prix de
l’essence via la baisse des taxes ne profitera pas réellement aux
masses. Tout ça, les ouvriers l’ont bien compris : beaucoup réclament
que ce soient les “vrais pollueurs” qui soient attaqués, qu’on arrête de
“donner d’un coté et de reprendre de l’autre”.
Cette contradiction s’est vue à plusieurs reprise
dans les grandes luttes de masse de ces dernières années : Guyane,
Martinique, Guadeloupe, ou encore Bretagne pour ce qui concerne la
métropole.
La ligne de masse
En premier lieu, le marxisme diffère de toutes les formes primitives du socialisme en ce qu’il ne rattache pas le mouvement à quelque forme de combat unique et déterminée.
Il admet les méthodes de lutte les plus variées, et il ne les « invente » pas, il se borne à généraliser, organiser, rendre conscientes les formes de lutte des classes révolutionnaires, qui surgissent spontanément dans le cours morne du mouvement.
Absolument hostile à toutes les formules abstraites, à toutes les recettes de doctrinaires, le marxisme veut que l’on considère attentivement la lutte de masse qui se déroule et qui, au fur et à mesure du développement du mouvement, des progrès de la conscience des masses, de l’aggravation des crises économiques et politiques, fait naître sans cesse de nouveaux procédés, de plus en plus variés, de défense et d’attaque.
Lénine, La guerre des Partisans
Dans les masses existent en germe les idées justes,
les formes justes de mobilisation. Ce sont les masses qui font
l’histoire : seul ce qui parle aux masses, qui les aide à s’organiser
est juste. Tout discours abstrait sur ce qui est “moralement” bon est à
jeter à la poubelle.
Dans ce mouvement existe en germe de nombreuses
choses bonnes : volonté de lutter pour la baisse des prix, volonté de
s’organiser, volonté de ne plus se laisser faire etc.
Il existe aussi de nombreux éléments réactionnaires :
centralisation du discours sur les taxes, sur l’essence, sur
l’immigration… c’est une vision de classe, bourgeoise, qui s’infiltre
dans les rangs du prolétariat, encore plus dans les zones rurales où
l’emprise idéologique du Front National peut être importante. Le
gouvernement tente également de se servir de l’extrême droite comme d’un
épouvantail en faisant comme si ce mouvement dans sa globalité était
piloté par Le Pen et “l’ultradroite”, ce qui ne peut avoir comme effet
que de donner du crédit aux fascistes qui s’affichent comme “populaires”
mais qui défendent en réalité les intérêts de la grande bourgeoisie
impérialiste française.
Face à cela, nous devons renforcer les éléments
positifs, puis écraser les éléments négatifs, “séparer le bon grain de
l’ivraie” comme on dit.
Comment ? En synthétisant des mots d’ordre justes, en
les mettant en pratique, en renforçant leur emprise organisationnelle.
Ces mots d’ordres doivent être simples, efficaces, pour ne pas être
perdus de vue par les militants.
Le premier est : “on a toujours raison de se
révolter”. Oui, les masses ont raison de se révolter ! Oui, il y a des
problèmes, mais l’aspect central est la volonté de lutter et de
s’organiser, l’expérience politique concrète.
Le second est : “baisse générale du coût de la vie”
(qui n’est rien d’autre que “hausse générale des salaires”). Il faut
insister sur ce point, : ce sont avant tout les profits des capitalistes
qu’il faut attaquer car ils sont la raison de notre exploitation, que
c’est notre travail qui produit tout, toutes les richesses.
Le troisième est : il faut résister physiquement à la
police, “combattre la répression”. La violence révolutionnaire est
nécessaire pour toute transformation réelle et durable de la société.
Nous nous plaçons du côté de celles et ceux des masses qui subissent la
répression parce qu’elles et ils ont osé relever la tête et reprendre
leurs affaires en main ; nous n’avons en revanche que faire de la
vermine fasciste qui serpente dans le mouvement pour distiller son
venin.
Secondairement, il faut renforcer certaines idées
dans le mouvement : nous devons rappeler que la catastrophe écologique
vient de la façon dont le système économique est organisé : sa loi
fondamentale est “le plus de profit possible dans un temps minimum” au
plus grand mépris de tout le reste. Nous luttons pour un monde où la loi
fondamentale de l’économie sera “la satisfaction maximale des besoins
matériels et culturels sans cesse croissants de toute la société “. Il
faut aussi expliquer aux militants progressistes l’intérêt de classe des
patrons, des bourgeois dans le mot d’ordre de baisse des taxes sur
l’essence.
Une étincelle peut mettre le feu à toute la plaine !
Aujourd’hui il y a une grande colère dans la classe
ouvrière et le prolétariat, contre les patrons, contre le gouvernement,
contre l’Etat. Il peut y avoir des explosions brutales où les masses
frapperont leurs ennemis, où il y aura de gros débordements.
Le rôle des communistes est de souffler sur le feu et
de diriger les flammes dans la bonne direction, pas de tenter de
l’éteindre. Nous devons être partout avec les masses quand il y a des
revendications justes, quand les mots d’ordre prolétariens peuvent être
mis en avant. Nous n’avons pas peur de lutter. Tout mouvement de lutte
est traversé par les contradictions de la société. Il ne peut pas y
avoir de mouvement “pur”, de mouvement parfait. Un mouvement pur, c’est
un mouvement sans les masses, c’est un mouvement mort. Il existe des
exemples d’agressions et de comportements dirigés par les fascistes
visibles localement au sein du mouvement. Contrairement à la lutte
principale que nous avons identifié comme étant la lutte contre la vie
chère, ces exemples ne sont pas constitutifs du mouvement, pas
explicatifs de la révolte des masses. Il est possible de lutter contre
ces agissements localement, en coupant l’herbe sous le pied des
fascistes et en éliminant les prétendus “porte-paroles” racistes,
sexistes et parfois affiliés aux partis d’extrême-droite.
Voilà ce que disait à ce propos Lénine, qui résume les erreurs sur lesquelles nous avons mis le doigt, dans Une discussion sur le droit des nations à disposer d’elles mêmes :
Supposer qu’une révolution sociale est pensable sans une révolte des petites nationalités dans les colonies et en Europe, sans des explosions révolutionnaires de la petite bourgeoisie avec tous ses préjugés, sans le mouvement des masses prolétariennes et semi-prolétariennes inconscientes contre l’oppression de la noblesse, des églises, des monarchies et des nations étrangères – supposer cela serait ABJURER la révolution sociale. C’est s’imaginer qu’une armée prendra position en un lieu donné et dira “Nous sommes pour le socialisme”, et qu’une autre, en un autre lieu, dira “Nous sommes pour l’impérialisme”, et que ce sera alors la révolution sociale ! C’est seulement en procédant de ce point de vue pédantesque et ridicule qu’on pouvait qualifier injurieusement de “putsch” l’insurrection irlandaise.
Quiconque attend une révolution sociale “pure” ne vivra jamais assez longtemps pour la voir. Il n’est qu’un révolutionnaire en paroles qui ne comprend rien à ce qu’est une véritable révolution. (…)
La révolution socialiste en Europe ne peut être autre chose que l’explosion de la lutte de masse des opprimés et mécontents de toute espèce. Des éléments de la petite bourgeoisie et des ouvriers arriérés y participeront inévitablement – sans cette participation, la lutte de masse n’est pas possible, aucune révolution n’est possible – et, tout aussi inévitablement, ils apporteront au mouvement leurs préjugés, leurs fantaisies réactionnaires, leurs faiblesses et leurs erreurs. Mais, objectivement, ils s’attaqueront au capital, et l’avant-garde consciente de la révolution, le prolétariat avancé, qui exprimera cette vérité objective d’une lutte de masse disparate, discordante, bigarrée, à première vue sans unité, pourra l’unir et l’orienter, conquérir le pouvoir, s’emparer des banques, exproprier les trusts haïs de tous (bien que pour des raisons différentes !) et réaliser d’autres mesures dictatoriales dont l’ensemble aura pour résultat le renversement de la bourgeoisie et la victoire du socialisme, laquelle ne “s’épurera” pas d’emblée, tant s’en faut, des scories petites-bourgeoises.
Ce mouvement, comme tous les autres, est traversé par
la lutte de classe. Chaque classe apporte ses propres mots d’ordre, ses
propres volontés, ses propres militants. Les communistes doivent tout
oser pour gagner la confiance des masses et renforcer le camp du
prolétariat et des masses populaires. Dans cette lutte, notre Parti
engage ses forces aux côtés des masses en lutte et s’efforce de
démasquer les ennemis du peuple qui tentent de s’y infiltrer.
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