Le rap, historiquement, est l’expression culturelle du prolétariat. Le genre est devenu en hexagone la musique la plus écoutée. Le rap est devenu bien souvent l’expression du pourrissement de la société capitaliste. Les valeurs dominantes de la bourgeoisie ressortent d’autant plus qu’il n’y a pas le filtre et la bienséance de la pseudo culture bourgeoise. Eric Zemmour a beau jeu de traiter le rap de « sous-art » quand lui même est le représentant de la misère pseudo-intellectuelle d’une bourgeoisie qui a fait son temps historique.
Le rap commercial comme toute marchandise doit donc être ce qu’on attend de lui. Le rappeur qui veut faire de l’argent le sait très bien, il faut être le plus bas possible, dans une course effrénée pour se démarquer. Au cœur de ce rap, expression de la soumission du prolétariat aux rêves bourgeois, il y a la
femme, le pognon et bien sûr la violence. Femme objet, où plutôt fantasme sexuel et pognon sont les deux mamelles de ce buisnes. Pour s’en rendre compte, il suffit de comparer les textes des années 90 et ceux d’aujourd’hui. L’appauvrissement culturel est flagrant, il est à l’image d’une société en plein naufrage. Mais au fond le rap exprime de plus en plus un monde fâde, dépressif où il n’y a rien d’intéressant à faire, où il n’y a plus de sens à la vie. Un tableau de la vie des masses dans une société ultra-libérale, où le pognon est la seule expression de la réussite.Mais si nous fouillons bien et internet le permet bien plus qu’avant, toute une vague plus ou moins récente de rappeurs porte un regard authentiquement prolétaire sur la vie, sur leur vie, celle de notre classe, sur la société et le système. Il est souvent brut de décoffrage, dur, à l’image de la vie du prolétariat. Il exprime, bien sur aussi, les errements d’une classe à la dérive, qui est consciente mais désorganisée et qui n’a plus le Parti communiste pour les guider vers le pouvoir et l’émancipation.
Paco, Montreuillois du 93, est sûrement l’archétype de ces rappeurs d’un grand talent, percutant, qui par leur écriture offrent un tableau du prolétariat à la façon des poètes ouvriers du XIXe siècle. Sa voix cassée porte en elle la dureté de la vie du prolétariat. Tout ceux qui vivent cette vie ne peuvent que se retrouver dans ces textes emprunts de rage, de mélancolie, de dureté mais aussi d’espoir. Ils portent l’idée de la fin de ce monde et du besoin d’un nouveau.
Paco a fait partie de ces rappeurs qui ont soutenus dès le début les Gilets jaunes . C’est un point de vue de classe, celui de la classe ouvrière, il dépeint ce que ressenttent des millions de travailleurs dans ce pays :
“le salarié qui travaille dur.. finira sur la paille / Il va craquer… parader… vivre à l’affût d’la faille / Il va râler à la facture puisqu’il n’a plus la maille / Une fois gazé … il sature …. inhale ce goût amer / Une vache à lait.. il a l’allure… il a le boule à l’air /un tas d’années que tout cela dure.. il braille genoux à terre / la guerre ??! Ces raclures ne se privent pas de nous la faire / j’appelle pas ça des crs abusifs.. c’est des pitts / le pauvre gars que l’on délaisse à l’usine est sceptique / mais comment élire en masse.. un abruti chef d’équipe / Je vois le pays qui s’embrase… Manu qui fait des tweets / brûlez tout… (Brûlez tout) … Si vous n’croyez plus au présent /
Paco appelle à la révolte sur des bases matérialistes et non idéalistes à la façon petite bourgeoise car c’est ce que connaît le prolétariat :
“La vie est chère elle est dure n’attendons pas que l’prix baisse / brûlez tout..(brûlez tout).. on consommera ce qu’il reste / Une justice y’en a qu’une…elle fonctionne à deux vitesses / le régime étant lâche… ca sent les coups d’bavures / … tout ce que l’on néglige.. finira par nous avoir / la République en marche ?? attends les courbatures / … plus un homme est riche… plus il désire tout avoir /”
Dans « j’écris », il y a la mélancolie et la dureté de la vie ouvrière dans l’hexagone au XXIe siècle au sein d’un pays en crise. Il exprime bien la contradiction du « il faut bien manger » et de nos boulots de merde mal payés, c’est la réalité de l’esclavage salarié.
« Là je rêvais de m’aérer, moi la crise m’a brisé l’cou
Mais dis c’est fou ça : se tuer les reins pour 1 000 euros.
Ça rend malheureux l’air de rien, vieux, faut bien nourrir deux mômes »
C’est aussi l’angoisse d’une majorité qui sait qu’au moindre faux pas on peut se retrouver à la rue :
« La marmaille et la famille sont sur la paille à s’priver
Je cherche la faille à dire vrai, c’est une nécessité
J’ai la hantise de la saisie, la trouille du récépissé »
La « France d’en bas » est un tableau, un condensé de notre classe actuelle, de ce qu’elle vie de bon et de mauvais. La difficulté de la vie quotidienne, du taf qui casse les plus orgueilleux, le monde insipide des métropoles pourraves, la défonce pour fuir, l’attrait du pognon, la haine d’en haut, de l’Etat, des flics. Mais c’est aussi la fierté de classe, de ceux qui ne se plaignent pas, qui se lèvent tôt, qui crèveront sans fleur et qui savourent les petits moments de la vie.
[Couplet 1]
Mais pourquoi fais-tu l’malin ? L’Etat n’est qu’une catin
J’pé-ra c’vécu d’larbin, ces quartiers puent l’sapin
C’est pas le commencement, là c’est l’début d’la fin
On s’prépare au lancement, me parlez plus d’chagrin
On chafrav, cotise, on charbonne, on s’endette
La plupart agonisent, les droits de l’Homme : on s’en pète
On fera comme on l’sent mec, chacun pour sa trogne
L’parpaing sous ma grolle, pas moyen que j’trouve ça drôle
Ça m’affole, enfoiré j’crois que j’ai plus l’contrôle
François fait l’mariole affalé sur son trône
Un morfale, la France d’en bas crie famine
Celle d’en haut fanfaronne le pif rempli d’farine
Effarant, ici l’manque d’artiche t’abîme
Le nombre de familles pauvres et sans abris m’chagrine
La liasse facile fascine, ça m’bassine
Combien de gens sur la paille trouvent leur place à l’asile ?
Classique, on est combien dans c’trafic ?
S’répéter que nos chemins n’ont rien de fantastique
Statique comme la plupart on s’agrippe
La défonce est l’unique exutoire qu’on s’fabrique
Tragique, brutal, t’as vu Satan rapplique
L’ingratitude gravite, ça tu l’apprendras vite
La France dégénère, ça commence elle panique
Ici la vie est chère, la violence est gratuite
[Refrain]
C’est la France d’en bas frère, celle qui pleure
C’est celle qu’on entend pas, qui rêve et qui meurt
Qui se lève dès six heures, qui taffe toute la nuit
Qui subit chaque jour mais qui savoure la vie
Ouais c’est la France d’en bas merde, explique leur
C’est celle qui en bave et qui perd cette rigueur
Ces bosseurs de l’ombre sans cesse débiteurs
Finiront dans leur tombe sans respect ni fleurs
[Couplet 2]
Ah ouais chaudard, dicave l’allure des chômeurs
On espère un petit pav‘, la voiture et l’chauffeur
Comme vous là, oui vous, nos impôts vous mettent bien
Les médias nous rendent fou, votre info : d’où elle vient ?
Cauchemar quand certains ne rêvent que d’cantine
D’autres se crèvent toute l’année pour deux semaines de camping
Marianne fait sa folle et le bleu gère le standing
L’Etat cette grosse tafiole de chbeb se dandine
C’est la France d’en haut frère, celle qui s’empiffre
Gratin des hautes sphères, sa belle vie sent l’bif
Observe, celle d’en bas s’est pris tant d’gifles
L’argent nous obsède et malgré c’bilan j’kiffe
Trop s’perdent, j’avoue tout ça n’a pas d’sens
On verra bien jusqu’où nous poussera la patience
L’Etat qui fait l’beau, sournoise apparence
Vieille patrie d’escrocs qui nous balargue sa science
[Refrain]
C’est la France d’en bas frère, celle qui pleure
C’est celle qu’on entend pas, qui rêve et qui meurt
Qui se lève dès six heures, qui taffe toute la nuit
Qui subit chaque jour mais qui savoure la vie
Ouais c’est la France d’en bas merde, explique leur
C’est celle qui en bave et qui perd cette rigueur
Ces bosseurs de l’ombre sans cesse débiteurs
Finiront dans leur tombe sans respect ni fleurs
Bien sûr Paco rape sur des sujets plus léger, mais toujours dans chaque son on retrouve la réalité matérielle du prolétariat avec au centre « la crise ». C’est un véritable artiste du peuple, un authentique représentant de notre classe. Pour nous il est évident que Paco, sans le savoir subjectivement (quoi que) exprime le besoin objectif d’une société socialiste. La vérité c’est que des millions de personnes ressentent ce que Paco décrit avec tant de puissance, cela signifie que tout est mûr pour le changement dans ce pays mais il nous faut reconstituer la force subjective, la seule qui nous conduira au pouvoir : le Parti du prolétariat, le Parti communiste. C’est le seul moyen de faire de ce monde un monde humain où nous vivrons la vie de manière enrichissante.
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