Manifestations du 13 avril contre la réforme des retraites en direct : à Paris, même moins nombreux, des jeunes mobilisés « jusqu’au retrait »
La douzième journée de mobilisation se déroule dans toute la France, à l’appel d’une intersyndicale qui promet qu’elle « continuera sous une forme ou sous une autre ». Suivez la journée en direct avec nos envoyés spéciaux à Paris, Marseille, Rennes, Lyon ou Toulouse.
A Nantes et Rennes, violents heurts entre manifestants et forces del’ordre
De violents heurts ont eu lieu entre forces de l’ordre et manifestants jeudi à Nantes, où la 12e journée de mobilisation contre la réforme des retraites a rassemblé entre 10 000 personnes selon la police et 25 000 personnes selon les syndicats.
Les premiers projectiles ont été jetés au passage du cortège devant la préfecture à Nantes, puis les forces de l’ordre ont répliqué en tirant du gaz lacrymogène quelques centaines de mètres plus loin, marquant le départ de plus de deux heures d’affrontements. En marge d’un cortège festif, dansant sous la pluie, plusieurs feux ont été allumés le long du parcours et des feux d’artifice ont été lancés en direction des forces de l’ordre par des manifestants se protégeant derrière des parapluies sombres, notamment en fin de manifestation sur le Quai de la Fosse. « Touche pas aux retraites quoi qu’il en coûte », « Darmanin futur ministre de la transition nécrologique et des doigts de l’homme » ou encore « votre mépris nous a unis », pouvait-on lire sur des pancartes brandies par les manifestants.
A Rennes aussi, cette douzième journée de manifestation a donné lieu aux désormais habituels incendies de poubelles et actes de vandalisme contre des vitrines et du mobilier urbain. Deux véhicules de marque Mercedes et Tesla stationnés le long du parcours ont été vandalisés et incendiés, ont constaté des
journalistes de l’Agence France-Presse. A la fin de la manifestation officielle, qui a rassemblé 15 000 personnes selon l’intersyndicale et 6 500 selon la préfecture, plusieurs centaines d’individus au visage masqué ont poursuivi leur marche en direction du centre historique, provoquant au passage les forces de l’ordre qui ont fait usage de grenades lacrymogènes et de canon à eau. Les forces de l’ordre, qui avaient organisé des fouilles aux abords du point de rassemblement, ont saisi « plusieurs sacs remplis de cailloux et pavés en amont de la manifestation », a précisé la préfecture d’Ille-et-Vilaine.A Paris, même moins nombreux, des jeunes mobilisés « jusqu’au retrait »
Alors que la pluie commence à tomber, avenue de l’Opéra, l’interfac se tient prête. Cette fois placés en tête de cortège, les jeunes s’organisent et chantent - « Etudiants en colère, y’en a marre de la galère » - pour tenter de motiver les troupes. A 14 h 30, le soleil est revenu, la marche débute enfin. « Purée y’a pas grand monde », peste un étudiant. Mais les jeunes présents n’en perdent pas moins leurs motivations. « On ira jusqu’au retrait, c’est sûr », glisse une étudiante, militante au Poing Levé. « Constitutionnelle ou pas, cette loi on veut pas », chantent les étudiants. « Pour moi, on n’en est qu’au début », affirme Marie, étudiante à Paris-Saclay. « Ce qui est sûr, c’est qu’on est face à une mobilisation inédite depuis trois mois », souligne la jeune femme.
En s’éloignant du cortège de tête, on retrouve un deuxième cortège jeune qui défile non loin des bannières de syndicats étudiants et lycéens. Derrière la banderole du lycée Buffon défile une trentaine d’élèves qui ont bloqué leur établissement « pour la première fois depuis 10 ans », assure, Ephram Strzalka-Belœil, vice-président de La Voix Lycéenne.
« C’est vrai que le nombre de lycées bloqués baisse ». 200, ce 13 avril, selon le syndicat lycéen. « Mais ce sont de nouveaux profils qui sont dans la rue », souligne le militant, qui rappelle aussi « qu’un certain nombre de lycéens sont déjà en vacances. C’est un chiffre honorable, alors qu’on est déjà à la douzième journée de mobilisations ». Pour Ephram Strzalka-Belœil, peu importe la décision du Conseil constitutionnel - même s’il n’est pas très optimiste -, les lycéens vont continuer à se mobiliser. « Contre la réforme des retraites mais aussi Parcoursup, le nouveau bac, les annonces sur le lycée pro… autant de raisons de continuer à descendre dans la rue », assure-t-il. « Le gouvernement ne peut plus compter sur la jeunesse, la rue oui ».
A Lyon, deux sœurs « prêtes à se battre longtemps »
Elles ont « des doutes » sur la possibilité d’annulation de la réforme par le Conseil constitutionnel. Aussi, les deux sœurs se disent « prêtes à se battre longtemps s’il le faut », au moment où le cortège démarre à Lyon, sous un ciel instable. Infirmière, Anne-Sophie, 35 ans, a été de « toutes les manifs », « choquée par l’injustice qu’on impose aux gens ». Sa sœur Aurélie, 38 ans, fonctionnaire qui préfère ne pas donner leur nom, est venue de l’Ain, avec l’impression que « les zones rurales sont délaissées ».
Pour l’aînée, pas simple de multiplier les jours de grèves : « Il va falloir revoir les modes d’action, peut-être les week-ends ». « Mais ça ne gênera pas le système », remarque sa sœur. Le référendum ? « Pourquoi pas, mais quand ? Il va falloir redonner la parole au peuple d’une façon ou d’une autre », disent-elles en chœur. Moins dense que les précédentes éditions, la mobilisation lyonnaise reste importante, avec plusieurs milliers de manifestants avançant dans un long cortège animé, rythmé de slogans et de chansons : « On lâche rien ».
Manifestation sur l’île d’Ouessant
Le point sur la situation à 15 heures
- Des dizaines de milliers de personnes étaient attendues dans le cortège parisien, parti de la place de l’Opéra en direction de Bastille, selon une prévision établie sur RMC par le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez. La dernière journée de mobilisation, le 6 avril, a vu défiler 57 000 manifestants dans la capitale et 570 000 dans l’ensemble du pays, d’après le ministère de l’intérieur.
- Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a affirmé jeudi que le combat syndical contre la réforme des retraites était « loin d’être terminé », se projetant vers de « grandes manifestations populaires le 1er mai ». « Contrairement à ce qu’espère le gouvernement, le mouvement n’est pas fini », a renchéri à ses côtés la numéro un de la CGT Sophie Binet, réaffirmant, peu avant le départ du cortège parisien, que le président « ne peut pas gouverner le pays tant qu’il ne retire pas cette réforme ».
- A Marseille, la police a dénombré jeudi à la mi-journée 6 500 manifestants. Les syndicats en ont recensé 130 000, deux chiffres en baisse par rapport à la semaine dernière.
- Des actions « coup de poing » ont été lancées dans la matinée avec le blocage d’axes routiers et ferroviaires dans plusieurs villes, d’un dépôt de camions poubelles à Aubervilliers et de l’incinérateur de déchets d’Ivry-sur-Seine, près de Paris. Des manifestants ont envahi à la mi-journée le siège de LVMH situé 22 avenue Montaigne, dans le 8e arrondissement de Paris, qui abrite également un magasin Louis Vuitton. « On vient symboliquement et pacifiquement donner l’idée au gouvernement de prendre l’argent dans la poche des milliardaires », a déclaré sur place un militant de SUD-Rail, Fabien Villedieu, au lendemain de l’annonce par LVMH d’une forte croissance de son chiffre d’affaires. Des poubelles ont été déposées devant le Conseil constitutionnel pour bloquer l’entrée, qui a été par la suite dégagée par les forces de l’ordre.
- Dans les raffineries de TotalEnergies, où la grève reconductible menée depuis début mars avait récemment pris fin, 20 % des salariés postés dans la matinée ont cessé le travail, a indiqué un porte-parole du groupe. Les expéditions en provenance des sites de Donges (Loire-Atlantique) et de la Mède (Bouches-du-Rhône) ont été interrompues, a-t-il ajouté.
- Dans les transports publics, le trafic était, comme prévu, quasi normal à la RATP tandis que la circulation des trains SNCF ne devait être perturbée que « sur certaines lignes ».
A Marseille, « le référendum, pourquoi pas, mais pas seulement »
Agente de la caisse d’allocations familiales (CAF) à Marseille, Christelle Coutelan, 43 ans, a défilé ce jeudi 13 avril entre le Vieux-Port et la porte d’Aix avec, au revers, la reproduction agrandie d’une carte vitale frappée d’un logo CGT. « Le RIP [référendum d’initiative partagée], j’avoue que je n’y crois pas vraiment. Il y a beaucoup d’obstacles à passer avant qu’il ne devienne une solution concrète. Attendre qu’il aboutisse sera beaucoup trop long. Donc, pourquoi pas, mais pas seulement… ».
« On va y participer bien sûr, mais sans se contenter de ça » poursuit Christelle, qui s’est déjà préparée à la perspective de voir le Conseil constitutionnel valider la réforme des retraites. « La lutte doit continuer et s’organiser différemment, imagine-t-elle. On peut participer à des caisses de grève pour aider les salariés des secteurs dont la mise à l’arrêt pèse vraiment sur l’économie. Ou prévoir des cortèges le week-end, par exemple, pour éviter de perdre des journées de salaire », propose celle qui dit avoir déjà accumulé douze jours de grève depuis janvier.
Même si elle reconnaît être « lassée des grands cortèges qui n’ont pas fait plier le gouvernement », l’agente CAF voit dans une mobilisation qui dure des points très positifs. « Le gouvernement est isolé, l’intersyndicale tient la distance, l’agrégation de la colère s’est faite. Les gens ne parlent pas que de la question des retraites comme ils le faisaient en 2010. Il y a aussi l’inflation, la baisse du niveau de vie, les sujets relatifs à l’environnement qui deviennent, pour nous tous, essentiels… Quelque chose de différent est en train de se passer et je ne suis pas sûre que le gouvernement et Emmanuel Macron l’aient très bien compris ».
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