La CGT annonce 400 000 personnes dans la capitale. La préfecture n’a pas encore diffusé ses chiffres. Des incidents ont eu lieu dans le cortège, avec une vingtaine d’interpellations. Depuis Rouen, Marseille, Bordeaux, Rennes, Lyon, nos journalistes et photographes vous racontent la journée.
Les manifestants contre la réforme des retraites étaient moins nombreux jeudi dans de nombreuses villes pour la onzième journée de mobilisation,
A Rennes, habituelle place forte de la contestation, la préfecture n’a compté que 8 500 manifestants et les syndicats 20 000. Même tendance à l’essoufflement dans d’autres métropoles de l’ouest, comme à Nantes (15 000 personnes selon la préfecture ; 50 000 selon les syndicats) et Brest (10 000 à 18 000), mais aussi dans le Sud, à Nice (2 300 à 20 000) et Marseille (10 000 à 170 000), ou encore dans le centre du pays, comme à Clermont-Ferrand (7 500 à 20 000).
Quelques villes françaises faisaient cependant de la résistance et affichaient une participation du même ordre que le 28 mars, en particulier Lyon (13 000 à 30 000) ou encore Perpignan (4 700 à 15 000).
A Paris, 20 interpellations et des heurts en cours
La préfecture de police a déploré « des blessés parmi les forces de l’ordre » mais « le bilan n’est pas consolidé à ce stade ». Une commissaire d’une unité de la BRAV-M (police motorisée) a perdu connaissance après avoir reçu un pavé sur le casque, et a été hospitalisée, selon une source policière.
Du côté des manifestants, à 17h20, la préfecture de police avait interpellé 20 personnes à Paris.
La Défenseure des droits Claire Hédon, dont les services ont été saisis de 90 signalements pour des violences policières depuis le début du mouvement de contestation, elle est présente jeudi avec des juristes dans la salle de commandement de la préfecture de police, des suites de l’invitation formulée par le préfet Laurent Nunez.
Le cortège est toujours bloqué près de la place Denfert-Rouchereau, où des heurts ont éclaté au niveau de l’agence bancaire du Crédit agricole, dégradée par un groupe de manifestants.
Une agence du Crédit agricole dégradée par des manifestants près de la place Denfert-Rochereau
Les plaques de protection de l’agence du Crédit agricole située en haut du boulevard Raspail n’ont pas résisté longtemps. Un groupe de manifestants en noir les ont arrachées, avant de fracasser ses vitres et s’engouffrer dedans, de ressortir quelques éléments du mobilier, et d’essayer d’allumer un incendie.
Les forces de l’ordre se décident à charger, dispersant l’attroupement à coups de grenades lacrymogènes, pour que les pompiers puissent intervenir. La tension baisse d’un cran, le cortège n’avance pas pour autant. La foule commente le moindre mouvement des CRS qui se sont déployés devant l’agence bancaire avant de partir en chargeant. Un CRS est blessé à la jambe.
A Paris, Lola, 21 ans, regrette un usage disproportionné de la force par les policiers et gendarmes
Lola, 21 ans est étudiante en géographie à Paris. Alors que le cortège fait une halte à proximité de la Fondation Cartier, elle s’avance avec sa pancarte.
Elle dit qu’elle est venue pour manifester contre les violences des forces de l’ordre. Elle était à Sainte-Soline le 25 mars dernier, lorsque des heurts violents ont éclaté entre les forces de l’ordre et une partie des manifestants venus s’opposer aux mégabassines, et trouve qu’il y a un usage disproportionné de la force : « C’est l’Etat, qui par ses discours, conduit à l’emploi de la force. Cela se voit dans les discours de Darmanin. »
Elle espère que le Conseil constitutionnel va censurer totalement la réforme, pour l’annuler : « Mais la retraite ce n’est pas tout : il y a aussi le climat, la démocratie en général, les inégalités sociales, hommes femmes, etc ».
Une partie de la navigation sur le Rhône bloquée depuis trois semaines en raison du mouvement de grève
Des dizaines de bateaux ont été empêchées de naviguer entre Marseille et Lyon depuis trois semaines suite au blocage de deux écluses du Rhône par des grévistes de la Compagnie nationale du Rhône (CNR).
De nombreux salariés grévistes qui devaient assurer des travaux de maintenance sur les écluses de Reventin-Vaugris (Isère) et de Bollène (Vaucluse) à partir du 5 mars, notamment la remise en état des cuves de remplissage, sont en grève depuis, pour protester contre la réforme des retraites, empêchant de fait la réouverture des ouvrages prévue le 16 mars.
Selon la CGT, les taux de grévistes au sein des services opérationnels de la vallée du Rhône ont atteint jusqu’à 70 % depuis le début du mouvement contre la réforme des retraites. Deux piquets de grève avaient également été installés sur ces écluses, mais ils ont été levés mercredi et jeudi suite à des requêtes en référé de la direction, a annoncé jeudi la CGT, qui dans un communiqué l’a accusée de s’en prendre aux salariés par voie judiciaire.
La direction de la CNR, qui gère une voie navigable à grand gabarit de 330 kilomètres de long entre Lyon et le port autonome de Marseille et des barrages hydroélectriques, a confirmé les blocages à l’AFP, précisant que selon un dernier recensement effectué le 28 mars, 45 bateaux sont restés à quai à cause du mouvement.
Les salariés de la CNR sont concernés par la remise en cause du régime spécial des salariés de l’énergie. « C’est la double peine : en plus de l’allongement de la durée de cotisation, le régime spécial est remis en cause pour les nouveaux embauchés. On craint par effet domino la disparition totale du statut », a déclaré à l’agence de presse le délégué CGT Hervé Laydier.
A Nantes et à Lille
A Paris devant La Rotonde, des heurts entre manifestants et forces de l’ordre et un début d’incendie maîtrisé
À Paris, des forces de l’ordre, dont des agents de l’unité de la BRAV-M, sont déployées à l’angle du Boulevard Raspail, aux abords du restaurant La Rotonde, prisée par Emmanuel Macron et symbole des mobilisations des gilets jaunes, pris pour cible par un groupe depuis près d’une heure.
Des heurts ont en effet éclaté lorsqu’« un groupe en noir » placé à l’avant de la manifestation a « envoyé des projectiles », dont des « bouteilles, pavés et pétards » , ainsi que de la peinture, sur les forces de l’ordre qui se sont placées en protection de la brasserie. La préfecture de police a évalué à plusieurs centaines le nombre de membres de ce groupe. La préfecture de police a annoncé des blessés dans ses rangs, sans en préciser pour l’instant le nombre.
Un début d’incendie s’est déclaré après le jet d’un fumigène sur l’auvent rouge du restaurant. Une femme qui était à l’intérieur a d’abord tenté d’éteindre le feu avec un extincteur avant que l’intervention des pompiers permette par la suite de circonscrire rapidement les flammes.
A 14 h 50, 1 330 contrôles en amont de la manifestation avaient été effectués. Huit personnes avaient elles été interpellé à ce stade. « Près de 500 gilets jaunes » étaient attendus par le renseignement, mais aussi « jusqu’à un millier d’éléments à risque ».
« Le prochain combat sera le RIP », estime Alain Rei, secrétaire départemental de la CFDT, depuis Marseille
A l’arrivée du cortège marseillais Alain Rei, secrétaire départemental de la CFDT dans les Bouches-du-Rhône, constate sans surprise une baisse de participation. « Il y a un peu moins de gens dans la rue, mais la mobilisation ne baisse pas. Les travailleurs et travailleuses sont confrontés à la réalité de leur pouvoir d’achat et du poids des jours de grève sur leurs salaires » estime-t-il.
Pas de résignation mais au contraire « une montée de l’exaspération, même chez les plus modérés », pour le responsable CFDT. « Le gouvernement prend des risques en se comportant comme ça. Des collègues, surtout chez les jeunes, aimeraient que l’on passe à des actions plus dures. Mais pour l’instant, l’intersyndicale est très claire et tient le même discours sur les limites de la violence », poursuit-il.
Pour contrer un président de la République dont il ne « comprend pas la manière de gérer le conflit », et dont les attaques contre son syndicat « le choquent », Alain Rei ne croit pas trop à un « coup de théâtre » du Conseil constitutionnel - qui censurait la réforme. Pour lui, « le prochain combat sera plutôt celui du Référendum d’initiative populaire (RIP) », qu’il appelle de ses vœux.
« Nous mettrons toute notre force pour réunir le plus rapidement possible les signatures nécessaires et ensuite le faire aboutir par le vote. Si tous les gens qui se disent opposés à la réforme osent signer, on y sera rapidement » promet-il.
Paris, les lycéens présents constatent une mobilIsation qui « s’installe » dans leurs établissement
Derrière la banderole, « 2023 les lycéens contre la réforme », on peut retrouver des élèves de Rodin, Michelet… et Condorcet. Elli, lycéenne en première année a été de « toute les manifs ». « J’y vais depuis mes 13 ans », rigole-t-elle. Plus loin dans le cortège, ses parents sont présents, ses grands-parents « soixantehuitards » aussi.
« Le lycée Condorcet n’a pas été bloqué depuis longtemps et là, depuis deux semaines, on a beaucoup bloqué », raconte la jeune fille. « Ce qui est chouette c’est qu’il y a beaucoup d’entraide entre lycéens et prépas ». Bloquée ce matin, l’administration a finalement « accepté de banaliser les cours. Enfin, ils n’ont pas eu le choix, on n’aurait pas levé le blocus sinon », se reprend-elle. Ils sont venus nombreux rejoindre les rangs de la manifestation parisienne.
Les lycéens présents constatent une mobilIsation qui « s’installe » dans leurs établissements. « La fin des épreuves de spécialités a aidé », explique Léo, en seconde au lycée Michelet. Pour le jeune homme, c’est « sa première manif ». « Avant, je me sentais moins concerné, j’étais moins informé mais avec les blocus etc, ce sont des moments d’échanges où on apprend ». Alors certes le « SNU ne sera pas obligatoire mais on a encore des raisons d’être en colère notamment le nouveau bac », ajoute l’un de ses camarades, dans la même classe. Les deux élèves ont séché les cours pour venir.
Quelque 400 000 personnes manifestaient jeudi à Paris pour la onzième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, selon la CGT, alors que le chiffre des autorités n’était pas encore rendu public.
C’est un peu moins que lors de la dernière journée d’action du 28 mars où la CGT avait fait état de 450 000 manifestants dans la capitale et les autorités de 93 000 personnes.
Les forces de l’ordre protègent La Rotonde, des poubelles incendiées aux abords
Depuis plusieurs dizaines de minutes, le cortège syndical a été arrêté à une centaine de mètres de la brasserie La Rotonde, prise pour cible par des manifestants et protégée par les CRS. La manifestation qui était calme se déroule désormais dans un nuage de poubelles incendiées. Le black bloc fait pleuvoir des projectiles sur les policiers qui ont tenté deux charges - de gendarmes mobiles et de la BRAV-M - pour les disperser.
Les forces de l’ordre tentent de relancer le cortège.
A Paris, « on ne pensait pas que la LDH pourrait être menacée en essayant simplement de défendre le droit de manifester »
Les propos mercredi du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, qui a menacé de s’en prendre aux subventions qui sont accordées à l’association plus que centenaire ont « surpris », « choqué », des militants de la Ligue des droits de l’homme (LDH), portant leurs larges drapeaux dans le cortège parisien.
« On a cru mal entendre… mais non… c’est la première fois depuis Pétain qu’on est attaqués par un ministre d’Etat… réagit Alain Esmery, membre du bureau national de la LDH. Bien évidemment qu’on est dans le collimateur, parce qu’on joue un rôle de poil à gratter, en montrant et en dénonçant ce qu’il s’est passé à Sainte-Soline, et plus généralement les violences policières. Mais ces propos sont dans la lignée du “contrat d’engagement républicain [CER]” créé par la loi separatisme. »
Ce CER doit désormais être signé par toutes les associations demandant des financements publics. Elles doivent notamment s’engager à s’abstenir de tout trouble grave à l’ordre public. « On ne pensait pas que la LDH, qui n’a jamais été radicale et s’est toujours appliquée à défendre les droits et les libertés, pourrait être menacée en essayant simplement de défendre le droit de manifester », ajoute le membre de la LDH, Alain Esmery.
La manifestation touche à sa fin à Rennes
« Le Conseil constitutionnel a tous les arguments pour dire “niet” » , estime l’ancien eurodéputé écologiste Alain Lipietz
La pipe au coin de la bouche, Alain Lipietz regarde le cortège parisien déambuler boulevard du Montparnasse en vieux briscard des mobilisations. L’ancien député européen écologiste (1999-2009), présent à toutes les marches, reconnaît que « la série de manifestations commence à s’épuiser, avec le temps ».
L’économiste à la retraite rit des « coups de feu » envoyés par Emmanuel Macron aux syndicats, « des attaques qui ont le mérite de stimuler encore la mobilisation ». Sur le fond, il ne comprend toujours pas l’obstination de l’exécutif à maintenir cette réforme : « Il suffirait d’adapter chaque année le niveau des cotisations au nombre de retraites à financer. C’est simple, pas douloureux, et c’est ce qu’on a toujours fait avec notre système par répartition. »
Pour la suite, le septuagénaire attend les décisions du Conseil constitutionnel, attendues vendredi 14 avril. Selon lui, « le Conseil constitutionnel a tous les arguments pour dire “niet” à ce projet de loi. Ça soulagerait tout le monde. Même le gouvernement pourrait y voir une porte de sortie à la crise. »
Le référendum d’initiative partagée (RIP), l’ancien élu y croit. Mais il regrette que ce levier d’action ne soit pas plus présent dans les slogans et sur les pancartes : « Les 4,8 millions de signatures [préalable à un référendum] sont envisageables, mais c’est un processus long et laborieux. Il faut s’en donner les moyens, au plus vite. Et c’est dommage de ne pas commencer dès ces manifestations. »
Tensions en cours au niveau de la brasserie La Rotonde à Paris
Des tensions entre forces de l’ordre et manifestants sont en cours dans le cortège parisien au niveau de la célèbre brasserie La Rotonde, boulevard Montparnasse, où Emmanuel Macron avait fêté sa victoire lors de la présidentielle de 2017.
Des jets de lacrymogènes en provenance des forces de l’ordre ont lieu. La Préfecture de police témoigne d’une intervention de ces dernières « pour disperser le bloc après que les policiers ont essuyé de nombreux jets de projectiles ».
Les policiers viennent de charger pour disperser le black block.
Dans le cortège étudiant parisien, une mobilisation qui faiblit malgré le pic enregistré juste après l’usage du 49.3
Dans le cortège parisien, des étudiants de Sciences Po sont venus, après un « pique-nique commun ». Ils sont une trentaine, dont presque exclusivement des premières années.
« Je suis déjà venue cinq fois », précise Romain, avant d’ajouter : « Je n’ai pas pu venir à chaque fois car Sciences Po a une politique d’assiduité très sévère, et j’ai dû calculer mon coup pour ne pas être défaillant ». Finalement, en début de semaine, la direction de Sciences Po a envoyé un mail, en annonçant ne « plus compter les absences les jours de manifestation ».
« On a réussi à négocier : on arrête les blocages et les cours sont « banalisés », se réjouit Romain. « Pas vraiment banalisés, rigole Chloé, une autre élève. Les cours continuent normalement, les absences seront enlevées à la fin du semestre mais on doit quand même rattraper les cours nous-mêmes ».
« C’était nécessaire, continue Romain, on était une des seules écoles où les absences pour manif comptaient encore ». Alors que pour le moment cette décision n’a pas donné un second souffle à la mobilisation au sein de l’établissement, les étudiants présents notent une baisse de « motivation ».
Dans le cortège inter-facs, si les slogans restent les mêmes, comme « Nous, ce qu’on veut, c’est la grève générale », les étudiants sont bien moins nombreux que lors de la « grosse manifestation après le 49.3 », le 23 mars, précise Laura, une étudiante en master.
Le nombre de fonctionnaires en grève contre la réforme des retraites est légèrement remonté
Le taux de grévistes dans les collectivités locales et les hôpitaux est, ce jeudi, supérieur de 0,5 point à celui de la dernière journée de mobilisation, le 28 mars. Dans la fonction publique territoriale (environ 2 millions d’agents), il s’établit ainsi à 3,9 %, contre 3,4 % le 28 mars à la mi-journée, selon les chiffres du ministère de la fonction publique. Dans la fonction publique hospitalière (1,2 million d’agents), il remonte à 5,9 % contre 5,4 % le 28 mars.
En revanche, dans le plus gros versant du secteur public, la fonction publique d’Etat (2,5 millions d’agents), le taux de grévistes est identique à celui du 28 mars et atteint 6,5% à la mi-journée.
A Bordeaux, la manifestation s’est achevée mais un groupe de manifestants encourage à une « manif sauvage »
« Chez nous, ça dure un jour, derrière des drapeaux. Ici au moins, vous savez manifester, faire des barricades », s’amuse Mark, touriste allemand à Paris
Mark et Irina sont allemands. Ils regardent passer le cortège et prennent des photos. Mark, qui a 58 ans, rappelle qu’en Allemagne l’âge de départ à la retraite est fixé à 67 ans. Et bientôt 70 ans. Sans avoir vraiment suivi les débats en France, il a compris que c’est l’argument financier qui a été retenu par le gouvernement pour justifier la réforme. Quand il compare les manifestations en Allemagne et en France, il sourit : « Chez nous, ça dure un jour, derrière des drapeaux. Ici au moins, vous savez manifester, faire des barricades ».
A Marseille, la mobilisation du secteur de l’énergie reste forte
Comme ils en ont pris l’habitude depuis le début du conflit social, électriciens et gaziers se sont mobilisés en masse dans le cortège marseillais, ouvrant la route avec un défilé de plusieurs dizaines de véhicules d’intervention. Pour Sébastien Koch, secrétaire général de la CGT à la centrale électrique de Martigues, membre du bureau départemental du syndicat, la mobilisation du secteur de l’énergie reste forte :
« Sur la durée, elle est même assez exceptionnelle, surtout en intersyndicale. Il y a des moments moins forts comme aujourd’hui, mais je ne parlerais pas d’essoufflement. L’attitude du gouvernement, comme lors de la rencontre [des syndicats mercredi] avec Elisabeth Borne ou les petites phrases d’Emmanuel Macron, nous aide bien à relancer le mouvement en énervant tout le monde ».
Pour le responsable syndical, l’heure n’est donc pas à la résignation. « Les gens disent “on n’a pas fait tout ça pour retourner travailler comme avant, sans qu’il y ait eu un retrait de cette réforme” », assure-t-il.
A Rennes : « Les chiffres ne sont pas importants. Ce qui est déterminant, c’est l’état d’esprit »
Il conduit la camionnette qui tracte à 10 km/h le char de la CGT-cheminots de Rennes. Cela fait des années que Fabrice, chef d’équipe de 52 ans au sein de la SNCF, assume ce rôle, les jours de manifestation. Alors que celle de ce jeudi 6 avril touche à sa fin, Fabrice qui ne souhaite pas donner son identité, s’offre un dernier tour de centre-ville. La sonorisation hurle des chants festifs et contestataires. « Regarde ça. Il se passe quelque chose ! », martèle le syndicaliste.
Le quinquagénaire salue cette retraitée postée sur le trottoir d’en face qui applaudit le cortège, ces jeunes qui entonnent les chansons diffusées, ce père de famille qui lève le poing en l’air à un arrêt de bus. « Les chiffres de mobilisation ne sont pas importants. Ce qui est déterminant, c’est l’état d’esprit. Les gens soutiennent les syndicats et ne sont pas usés par la grève », insiste-t-il. La préfecture d’Ille-et-Vilaine annonce 8 500 manifestants, ce jeudi, à Rennes, presque trois fois moins que la semaine passée. Les syndicats estiment, eux, la foule rennaise à 20 000 personnes.
De retour au local de la CGT-cheminots à 14 h 30, les cheminots grévistes désossent méticuleusement leurs chars. « La mobilisation s’essouffle. C’est normal. Je pensais que ça arriverait plus vite. L’important, c’est de maintenir la pression sur Emmanuel Macron », encourage Florent Anger, responsable syndical de la CGT-cheminots de Rennes. Le quadragénaire compte désormais sur la prochaine journée de mobilisation et notamment sur l’avis du Conseil constitutionnel, en fin de semaine prochaine, pour être « une porte de sortie honorable pour le chef de l’Etat ».
Huit interpellations à Paris
Selon la préfecture de police, à 14 h 50, 1330 contrôles en amont de la manifestation parisienne ont été effectués ; et huit personnes ont été interpellées à ce stade à Paris.
A Paris, des lycéens « saoulés » par l’intransigeance d’un président « sourd »
Le cortège s’est élancé à Paris, des Invalides à la place d’Italie. Miani Domart-Nsonde et des camarades du lycée Hélène-Boucher ont hésité. Rester devant leur établissement bloqué depuis ce matin ? Juger l’action réussie et rejoindre les autres dans la marche ? Les jeunes mobilisés ont finalement rejoint leurs aînés, travailleurs et étudiants bruyants en tête de cortège.
Avec son verbe aussi clair qu’incisif, Miani Domart-Nsonde prend la parole pour le petit groupe. Elle raconte des lycéens « saoulés » par l’intransigeance d’un président « sourd ». « Mais le recours à son « 49.3 » nous a tous fait entrer dans une nouvelle dimension, distingue la lycéenne de 16 ans. Après, même des opposants du bout des lèvres ont eu des envies de révolution. « La réforme c’est autre chose, mais cette méthode et le retour des violences policières, c’est trop. On n’en peut plus. »
Et la suite ? Miani n’en n’attend pas grand chose. Si un RIP aboutissait, elle n’aurait pas l’âge d’y participer. « De son côté, Macron se dit qu’il finira pas nous avoir à l’usure. Qu’au bout du compte les gens deviendront fatalistes. » Elle en rirait presque : « Cette année, on passe beaucoup de temps à étudier la démocratie au lycée. Et à côté, on la voit totalement bafouée par des gens qui se ressemblent tous, élus par une minorité. Et la France se fracture. »
À Lyon, une mobilisation importante mais tendue
La mobilisation de ce jeudi est une des plus importantes depuis le début du mouvement de protestation contre la reforme des retraites à Lyon - l’intersyndicale annonce 32 000 manifestants, contre 13 000 selon la préfecture. C’est aussi l’une des plus tendues.
Les destructions de vitrines d’agences de banques et d’assurances, de panneaux publicitaires, ne se comptent plus sur le passage du défilé qui avance dans les fumées lacrymogènes. Avenue de Saxe, la boutique Nespresso vient d’être pillée. Une voiture de luxe Tesla est détruite. Par une erreur de tir, une grenade lacrymogène a cassé une vitre et enfumé un appartement au deuxième étage. L’intersyndicale parvient à garder le cortège homogène dans un climat chaotique.
A 15 heures, la tête du cortège a atteint la place Lyautey, point d’arrivé du parcours.
A Bordeaux, projectiles et gaz lacrymogènes
A Bordeaux, tandis que le début du cortège arrive place de la Bourse où elle doit s’achever, en réaction à une interpellation, un groupe de manifestants est allé au contact des forces de l’ordre. En quelques minutes, des projectiles ont fusé, et les forces de l’ordre ont fait usage de premiers gaz lacrymogènes. Des tensions se poursuivent dans les rues adjacentes.
Le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon défile à Paris, avec plusieurs élus « insoumis »
Habitué des cortèges marseillais, l’ancien député des Bouches-du-Rhône Jean-Luc Mélenchon est venu défiler à Paris pour la onzième journée d’action nationale contre la réforme des retraites jeudi, entouré de sa garde d’élus « insoumis ».
« On est dans le plus long conflit social de l’histoire du pays depuis 1968 et le plus dense », a estimé le chef de file de La France insoumise (LFI), devant les caméras, avant que le cortège parisien se soit élancé. Il a ajouté que malgré l’étalement du conflit social sur la durée, depuis le début du mouvement social le 19 janvier la mobilisation reste forte : « Nous sommes plutôt en phase active qu’en phase de régression ».
L’ancien élu a par ailleurs jugé que « nous sommes en train de passer d’une crise sociale extrêmement ample et profonde à une crise démocratique », prenant la forme « d’une crise de régime ».
A Paris, « cette réforme est un échec démocratique »
Tanguy, étudiant de 25 ans en statistiques à Rennes. Il est en stage à Paris. Comme tous les voyageurs de la ligne 1 du métro, il vient de découvrir que la rame ne s’arrête par à Champs Élysées Clemenceau, qu’il faut descendre à Concorde et marcher jusqu’à l’esplanade des Invalides. Il voit la manifestation comme la continuité d’un mouvement. « Ça donne l’impression que le gouvernement attend que ça passe. C’est un échec démocratique cette réforme ».
Il serait heureux que le RIP passe, mais ne croit pas à la censure du Conseil constitutionnel. Il fait des manifestations à Rennes et Nantes contre la réforme, mais n’est pas très mobilisé par ailleurs. Au sujet du maintien de l’ordre, Tanguy reste souvent jusqu’à la fin des manifestations prenant le risque de respirer les gaz des lacrymos. Il craint un peu la présence de la BRAV-M et a peur de prendre des coups. Dans ses petits rituels, il a pris l’habitude de ne pas prendre de sac mais du sérum physiologique, un masque mais pas de lunettes de piscine. Aujourd’hui, il va voir s’il connaît quelqu’un, sinon, il ira vers un groupe qu’il trouve sympathique.
A Paris, le cortège s’élance
Le cortège parisien s’est élancé des Invalides (7e arr.) en direction de la place d’Italie (13e arr.), un peu avant 14 h 30. Les autorités attendent entre 60 000 à 90 000 manifestants dans la capitale. En marge du cortège, 4 200 policiers sont déployés.
C’est même une première pour Camille, 27 ans. Elle avoue une « appréhension » pour les mouvements de foule, les marches qui dérapent. Mais elle devait être là ce jeudi, au moins pour montrer à Emmanuel Macron que « ce qu’il appelle la foule restera toujours plus légitime que lui ». « C’est fou, non ? J’ai toujours voté mais jamais pour, toujours contre, contre l’extrême droite, souffle la jeune femme. Alors oui, le temps est venu de dire que la démocratie ne se résume pas dans ce pays à désigner par défaut un président et un gouvernement aux mains libres pour cinq ans. » Sur l’issue de ce mouvement, elle ne se fait pas plus d’illusion que son collègue.
C’est peu dire que Vincent n’y croit plus. « Des années qu’on aligne les grèves et les marches, des années que ça ne fait plus bouger personne au-dessus », résume le quadragénaire. Même la double décision du Conseil constitutionnel le 14 avril - sur la conformité de la réforme et la validité d’un référendum d’initiative partagée (RIP) - ne lui donne aucun espoir.
Dans le cortège bordelais – qui compte 60 000 manifestants selon l’intersyndicale –, Nicolas Patin, enseignant chercheur à Bordeaux a été « inspiré ce matin pour faire sa pancarte. » On peut y lire « Gérald, répète : LBD non, LDH, oui. » Il manifeste pour la 11e fois aujourd’hui, et selon lui, « on se mobilisera tant qu’il faudra. » Même s’il sait que « dans les luttes, il y a toujours de la fatigue, chaque semaine il y a quelque chose de nouveau : le ministre de l’intérieur qui menace de regarder les comptes de la ligue des droits de Lhomme, Macron qui dit que le pays n’est pas bloqué… On ne défend plus qu’une réforme sociale, on est dans une question démocratique » explique le chercheur de 42 ans.
« Qu’on soit d’accord ou non avec ce qu’il s’est passé à sainte Soline ce n’est pas la question. On ne peut pas dire non plus que le pays n’est pas complètement bloqué. Le problème ce n’est pas le constat. Mais quand on voit la mobilisation, on voit bien qu’il y a une volonté de jeter de l’huile sur le feu. C’est très grave, ca enferme les gens dans la radicalisation ou l’anomie la plus totale. » En tant que jeune papa, il veut continuer à se mobiliser quand il peut même si ça reste compliqué. La prochaine échéance pour Nicolas Patin, la date du 14 avril avec la réponse du conseil constitutionnel. « On va ensuite voir comment il est possible de se mobiliser. » Pour le quadragénaire, après l’échec de la réforme de 1995, « si celle là passe, les autres passeront. On ne peut pas la laisser passer ne serait ce que pour les éboueurs et la pénibilité de leur métier. »
Raffinerie de Gonfreville : la justice suspend l’arrêté de réquisition de personnel pour « atteinte grave au droit de grève »
Le tribunal administratif de Rouen a ordonné en référé la suspension à partir de jeudi 12 h 30 de l’arrêté de réquisition de grévistes de la raffinerie TotalEnergies de Gonfreville-L’Orcher (Seine-Maritime), la plus grande du pays.
Dans son ordonnance, le juge des référés a estimé que cet arrêté préfectoral a « porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de grève », la préfecture de Seine-Maritime n’ayant notamment pas démontré qu’un besoin en carburant n’était pas satisfait « pour les besoins des services publics ».
« La mobilisation continuera sous une forme ou une autre », promet Sophie Binet
Face à la « profonde colère » contre la réforme des retraites, le gouvernement « fait comme si de rien n’était » et « vit dans une réalité parallèle », a affirmé jeudi la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, avant la manifestation parisienne. « Il n’y a pas d’autre issue que le retrait de cette réforme », a-t-elle martelé, dénonçant un « gouvernement bunkérisé » et en « rupture vis-à-vis du pays ». « Leur capacité à diriger le pays est remise en cause », a-t-elle insisté, affirmant que « la mobilisation continuera sous une forme ou une autre » après cette onzième journée à l’appel de l’intersyndicale.
Visage grimé de noir et bonnet de diable sur la tête, il marche à côté du char de la CGT-cheminots, à Rennes. Le vent soulève sa cape de diable et secoue ses feuilles de chant qu’il relit consciencieusement. « El Diablo » est un cheminot connu pour animer les manifestations rennaises contre la réforme des retraites.
Du char de la CGT, il chante des standards de la chanson française aux textes détournés. Le titre le plus connu : La salsa du Macron. « El Diablo » profite de cette pause pour réviser son dernier morceau consacré à la BRAV-M. Des manifestants l’interrompent pour le féliciter, obtenir un autographe ou un selfie. « L’engouement autour de mon personnage me dépasse. J’ai lancé “El Diablo” pour nous amuser et faire passer des messages. Le chant parodique est une manière de faire de la politique », insiste celui qui refuse de donner son identité. Ce quinquagénaire se présente comme un « cheminot comptant trente ans de CGT » franchement remonté contre Emmanuel Macron : « En 2002, j’avais voté Chirac contre Le Pen. Je n’ai cependant jamais eu confiance en Emmanuel Macron. Je n’ai jamais voté pour lui. Ce mec est un financier qui se fiche des gens. »
Il est 13 heures. « El Diablo » sèche sa bière et remonte sur le char. Le cheminot annonce son nouveau titre. La bande-son de « On va s’aimer » de Gilbert Montagné retentit. « El Diablo » s’enflamme : « On va te saigner à coups de matraques ou de LBD. Pour faire plaisir à Emmanuel Macron et te dégoûter des manifestations… »
A Bordeaux, « on perd du salaire avec la grève mais c’est pas grave, on préfère manger des patates que de crever au travail »
Le point sur les blocages de lycées et universités jeudi
Des blocages de lycées et de sites universitaires ont à nouveau eu lieu jeudi matin à Lyon, Rennes, Lille ou Paris, dont celui du site historique de la Sorbonne, pour la onzième journée de mobilisation contre la réforme des retraites. A Paris, des actions ont été menées devant plusieurs sites universitaires, dont le centre de la Sorbonne de Paris 1, dans le Quartier latin, où un amas de poubelles et vélos bloquait l’accès à plusieurs entrées, a constaté une journaliste de l’Agence France-Presse (AFP). L’université a informé les étudiants que les cours en présentiel sur ce site ne pourraient pas « se dérouler normalement ».
Devant l’université de droit d’Assas, bloquée pour la deuxième fois depuis le début du mouvement, quelques étudiants étaient rassemblés devant des banderoles « Grand établissement culte de l’argent » et « Etudiants en lutte Assas antifa ». Des blocages universitaires ont eu lieu aussi dans d’autres villes comme à Rennes, où la faculté de droit a été fermée par son doyen. Les trois campus de l’université Lyon 2 étaient également fermés, tout comme le campus Carlone de Nice, bloqué par des étudiants.
Du côté des collèges et lycées, le ministère de l’éducation nationale a recensé jeudi midi en France 106 incidents (contre 53 mardi) dont 50 blocages, 18 blocages filtrants, 16 tentatives de blocage et 22 autres formes de perturbation (sur un total de 6 960 collèges et 3 720 lycées). A Paris, des blocages ont eu lieu devant plusieurs établissements, dont Rodin (13e arrondissement), Racine (8e) ou Turgot (3e), où une soixantaine de jeunes étaient rassemblés. Au lycée Rodin, une centaine de lycéens se sont réunis, a constaté l’AFP. Ailleurs en France, des actions ont eu lieu devant les lycées Thiers à Marseille, Fénelon, Montebello et Pasteur à Lille, Basch à Rennes ou Malherbe à Caen.
Lyon : des feux tricolores brûlent, le mouvement « change de nature »
Au début d’un long cortège parti à 11 h 30, un groupe de militants masqués s’organise sous les parapluies pour mettre le feu à des feux de signalisation. Ils stoppent la manifestation, dévissent une plaque et allument le circuit électrique. Ils lancent aussi des mortiers au pied des cordons policiers, placés dans les rues proches.
La tension est palpable en tête du défilé lyonnais qui avance très lentement. « Le mouvement ne s’essouffle pas, il change de nature », décrit un observateur des services de police. Plusieurs slogans et pancartes font allusion aux événements de Sainte-Soline. « C’est une lutte très importante qui a été menée à Sainte-Soline, et elle a été réprimée très violemment », a déclaré le speaker de la CGT, depuis la camionnette qui emmène la manifestation. Un imposant cordon constitué de tous les syndicats protège les manifestants des tensions qui se multiplient.
A Rouen, le cortège, s’il reste impressionnant, semble moins fourni que lors des précédentes mobilisations, la préfecture annonçant 7 900 manifestants contre 12 700 mardi 28 mars. « On sent bien que cela s’essouffle un peu, admettent les deux fonctionnaires, mais il faut tenir car le gouvernement joue la montre. C’est difficile dans certains secteurs mais il y a des ressources, les caisses de grève sont encore bien remplies. »
Des manifestants ont temporairement occupé le siège du gestionnaire d’actifs Blackrock
Des manifestants, réunis autour de Sud-Rail, ont pénétré et assiégé pendant une vingtaine de minutes le Centorial, à Paris, ancien siège social du Crédit lyonnais qui abrite désormais, entre autres, le plus grand gestionnaire d’actifs du monde, Blackrock.
Un journaliste du Parisien, présent sur place, relate les évènements. Fumigènes à la main, les manifestants entonnent « Anti ! Anti ! Anticapitaliste ! » au siège de Blackrock, ce « symbole » de ce que dénoncent les syndicats. L’action vise à « donner de la visibilité au combat » et « dénoncer les fonds de pension », juste là où il y a « plein d’argent pour financer notre système de retraite », relate le journaliste sur Twitter.
Entrés vers midi sans obstacle ni violence, les manifestants en sont ressortis vers 12 h 20, poursuivant leur manifestation dans le centre de Paris. Pas de dégradations, selon le journaliste du Parisien. Constat partagé par le journaliste de l’Agence France-Presse (AFP).
« Un intérimaire, ça ferme sa gueule »
Grèves : où se cachent les travailleurs précaires ? Même si le droit de grève est défendu par la Constitution, intérimaires et travailleurs en CDD peinent à le faire respecter, déplorent les syndicats.
Dans les rangs des cortèges qui ont défilé dans les rues ces dernières semaines, combien de CDD ou d’intérimaires ont fait valoir leur droit de grève ? « On ne pourrait même pas dire, même si j’ai l’impression qu’il y a plus de mobilisation depuis le 49.3, avoue Mathieu Maréchal, responsable de la branche FO-Intérim. Les intérimaires ne me parlent pas de la réforme des retraites, ils me parlent d’injustice. Ils sont jeunes : pour eux, la retraite, c’est abstrait. »
Même s’ils sont sympathisants du mouvement, les travailleurs précaires préfèrent faire profil bas par peur des représailles, dénoncent à l’unisson les représentants syndicaux interrogés. « Un intérimaire, ça ferme sa gueule, déclare sans ambages Etienne Jacqueau, délégué syndical central CFTC-intérim Manpower. Dans l’intérim, la relation est tellement déséquilibrée que ceux qui lèvent la tête se la font couper. »
Pourtant, les salariés en contrat court ont, comme les autres, le droit de faire grève. Un droit fondamental, défendu par la Constitution. Mais entre la théorie et la pratique, il y a un gouffre. Car ce droit est en réalité difficilement mobilisable par les travailleurs qui ne bénéficient pas de la soupape de sécurité du CDI : « Bien entendu, les entreprises de travail temporaire ne vont pas vous dire « je vous vire parce que vous avez fait grève ». Il leur suffit d’avancer un autre motif de rupture de contrat », explique Etienne Jacqueau.
« La première ministre doit proposer des avancées aux syndicats », selon le maire de Marseille
Comme il a en pris l’habitude, le maire de Marseille divers gauche, Benoît Payan, a quitté son bureau pour descendre sur le Vieux-Port et marquer son soutien aux manifestants contre la réforme des retraites. L’élu marseillais a saisi l’occasion pour renouveller son appel au président de la République à ne pas promulguer la loi. « La première ministre doit garder sa porte ouverte et proposer des avancées aux syndicats. De leur côté, les organisations syndicales doivent montrer une volonté de trouver des solutions. Le gouvernement ne peut pas prendre le risque d’une radicalisation d’un mouvement social qui reste toujours très fort. Je ne peux imaginer que cela soit un objectif. Aujourd’hui encore tout ce qui a été fait, peut être défait » a assuré au Monde, le maire de Marseille.
Bonjour, Quand vont ils comprendre que l'on ne veut pas de cette réforme ? Nous sommes beaucoup du secteur privé à manifester en prenant des congés ou RTT, en se relayant car nous n'avons pas d'autres possibilités. Sachez que dans mon entreprise nous sommes tous très en colère, employés comme les cadres. Merci beaucoup pour votre écoute. Bien cordialement.
A Rennes : « Les recettes générées sur notre char ne compenseront jamais nos pertes de salaire »
Il est 11 heures. Une averse s’abat sur Rennes lorsque les chars de la CGT-cheminots arrivent Place de Bretagne et s’arrêtent au milieu du cortège. « On ne va pas fléchir à cause de la pluie. On est beaucoup plus forts que ça », harangue au micro Florent Anger, représentant syndical en charge de la sonorisation des chars. Les habitués de la manifestation se massent autour des camions de la CGT-cheminots dans l’espoir d’apercevoir El Diablo. Le chanteur-syndicaliste qui anime les manifestations rennaises depuis le début de la contestation contre la réforme des retraites, commencera sa prestation une fois le défilé engagé.
Pour l’heure, c’est le moment de la galette-saucisse, le mets traditionnel rennais. Chasuble rouge de la CGT sur le dos, Matthieu Caille, agent du matériel à la SNCF, commence à vendre 2€ pièce, les premiers des 850 hot-dogs cuisinés par des syndicalistes à l’arrière du char. L’argent collecté sert notamment à financer la caisse de la grève et compenser les pertes de salaire des grévistes. « Les recettes générées sur notre char ne compenseront jamais nos pertes de salaire. Depuis le début du conflit, j’en suis à quatorze jours de grève. Cette réforme ne doit pas passer alors je me mobilise. Peu importe le coût », explique Matthieu Caille. Soudain, Linda Léger, une menuisière rennaise, se contorsionne dans la file d’attente pour glisser vingt euros dans la caisse de dons : « Je suis fan de El Diablo. Son char donne une image plus festive du syndicalisme. En attendant de me syndiquer à mon tour, j’aide au financement des actions du char. »
A Rouen, les manifestants assurent « croire encore » à un retrait du texte sur les retraites
L’affirmation revient en boucle dans la bouche des nombreux manifestants battant le pavé du centre-ville historique de Rouen : ils assurent « croire encore » à un retrait de la réforme des retraites sinon « ils ne seraient pas là » pour cette onzième journée de mobilisation, même si « l’espoir s’amenuise ».
« D’autant que des secteurs bloquants comme les raffineries ont repris le travail et que Macron, qui est d’ailleurs parti se planquer en Chine, s’accroche à son idée et joue l’enlisement… », soupire Isabelle Dionisi, même si cette professeure d’un collège de campagne en Seine-Maritime refuse de parler de « baroud d’honneur » : « De toute façon, nous n’avons pas grand-chose à perdre et puis je viens aussi en prévention des futures réformes des retraites qui, j’en suis sûre, se poursuivront. »
Quant à la poursuite de la mobilisation, si elle avoue « avoir beaucoup de mal à se projeter », la quinquagénaire n’exclut pas la possibilité d’un référendum d’initiative partagée, qu’elle « n’hésiterait pas à signer » malgré le devoir de réserve auquel sont astreints les enseignants. « C’est vrai dans le cadre professionnel, mais là c’est différent, nous sommes dans un cadre citoyen », conclut-elle.
La centrale hydroélectrique de Vogelgrun (Haut-Rhin) à l’arrêt, la navigation fluviale interrompue
La centrale hydroélectrique de Vogelgrun (Haut-Rhin) a été mise à l’arrêt mercredi, vers 22 heures, par une trentaine de manifestants, selon des informations de France 3 Alsace et BFMTV.
A Marseille, pas « d’installation d’un fatalisme, ni de remise en cause de la stratégie intersyndicale »
Pour la onzième fois depuis janvier, Caroline Chevé, secrétaire départemental de la FSU 13, a pris place en tête de cortège derrière la banderole intersyndicale dans un défilé marseillais qui tarde à se densifier. « Les fluctuations de la mobilisation sont normales. Il y a des moments où c’est plus difficile pour les personnels de se mettre en grève. Cela finit par coûter cher », rappelle la responsable syndicale, qui assure ne sentir « ni l’installation d’un fatalisme, ni de remise en cause de la stratégie intersyndicale ».
« On savait depuis le départ que cette bagarre serait longue. Ce gouvernement est un peu comme un médecin qui impose un remède à un patient parce qu’il pense tout savoir. On ne se fait pas d’illusion sur sa capacité à entendre une autre voix. » « Nous n’attendions rien de la rencontre avec Elisabeth Borne. Le seul intérêt de ce rendez-vous a été de réaffirmer l’unité syndicale », poursuit-elle, estimant qu’il existe encore « un potentiel très important pour mener la lutte ».
Rappelant que le mouvement social contre la réforme des retraites « a été rythmé de manière inédite par des échéances institutionnelles », Caroline Chevé reconnaît que le passage de la loi devant le Conseil constitutionnel suscite « beaucoup d’espoir ». « Comme le référendum d’initiative populaire, ce n’est pas un outil habituel des mouvements sociaux. Mais cette fois, pour beaucoup de gens, il fait figure de garant des institutions et d’une démocratie qui a été malmenée. »
« Grève sauvage » des cheminots de Châtillon à Montparnasse
Dans une épaisse fumée dégagée par les fumigènes, des manifestants ont traversé ce matin la gare Montparnasse à Paris, emmenés par des cheminots de Châtillon, qui revendiquaient une « grève sauvage » et annonçaient « continuer le combat ». Selon un journaliste de France info qui était sur place, le trafic ne semblait pas être perturbé.
Le taux de grévistes le plus élevé chez les enseignants date du 19 janvier, lors de la première journée d’action, avec 42,35 % dans le primaire et 34,66 % dans le secondaire, selon les chiffres du ministère. Ce 19 janvier, les syndicats avaient eux recensé jusqu’à 70 % d’enseignants grévistes dans le primaire et 65 % dans les collèges et lycées.
Manifestation sur le site de stockage de gaz de Storengy
A Rennes, la manifestation racontée du char de la CGT-cheminots : « On doit mettre de la couleur dans nos manifestations pour qu’elles ne soient pas qu’un tour de piste anxiogène »
Toute la journée, notre correspondant en Bretagne, Benjamin Keltz, nous fera vivre la journée de manifestation à Rennes depuis l’installation du char de la CGT-cheminots, jusqu’à son démontage. Chaque brève de ce récit sera précédée de la mention « Focus – A Rennes ».
Ce jeudi 6 avril, chacun connaît sa mission devant les locaux de la CGT-cheminots à Rennes (Ille-et-Vilaine). Dès 9 heures, une vingtaine de grévistes de la SNCF préparent les chars du syndicat qui défileront dans le cortège rennais, dès 11 heures. Armelle Le Strat et Yann Bagouet chargent huit fûts de bière dans le bar ambulant. Florent Anger, représentant syndical et chef de gare à Saint-Malo, grimpe sur une remorque pour sangler la sonorisation du char principal, la scène ambulante de El Diablo, ce cheminot déguisé qui chante La Salsa du Macron et une quinzaine d’autres titres lors de la manifestation. Ce spectacle est devenu un rendez-vous attendu des Rennais depuis le début du conflit.
« Notre char apporte de la bonne humeur tout en respectant une exigence politique quant aux textes que l’on chante. Une manifestation doit être un moment convivial et de partage que les violences ne doivent pas occulter », insiste Florent Anger. Emmanuel Briand, secrétaire général de la CGT-cheminots Bretagne, reprend : « On doit mettre plus de couleur dans nos manifestations pour qu’elles ne soient pas qu’un tour de piste anxiogène. » A 10 h 30, les chars démarrent pour rejoindre le cortège rennais, place de Bretagne.
Des lycées et universités font l’objet de blocages à Paris, Rennes et Lyon
En amont des manifestations partout en France, des actions de blocage se sont déroulées jeudi matin. Des blocages aux portes de grandes villes ont provoqué des embouteillages, notamment à Lyon et Rennes mais aussi autour de Brest et Caen.
Quelques lycées et universités ont aussi fait l’objet de blocages, par exemple à Paris, sur les sites de la Sorbonne et d’Assas. A Rennes, la faculté de droit a été fermée par son doyen. Les trois campus de l’université Lyon 2 sont également fermés.
A Marseille, blocages en série avant la manifestation
À Marseille, plusieurs syndicats et personnels en grève organisent des opérations de blocage en amont de la manifestation intersyndicale, qui s’élancera en fin de matinée du Vieux-Port.
Les personnels de l’éducation se sont réunis dès sept heures devant la tour La Marseillaise, qui accueille une partie des services de la métropole Aix-Marseille Provence, et l’immeuble Le Balthazar, où se situent des bureaux de la caisse de retraite Agirc-Arrco. Le blocage des entrées a été levé aux alentours de 8 heures 30. Alors que les dockers CGT sont réunis devant les entrées du port autonome, la CNT organise, elle, depuis neuf heures un rassemblement devant l’hôtel NH, boulevard des Dames (2e) réunissant une centaine de personnes et bloquant une partie de la circulation. Le syndicat souhaite dénoncer les conditions de travail dans le secteur de la sous-traitance hôtelière.
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